Corinne Linder : En 2017, je fais ma propre compagnie nommée Fheel Concepts, avec la volonté de créer le spectacle immersif qui est la frontière entre le rêve et l’image. Par cette combinaison de différents langages techniques, je voulais créer des formes hybrides, parce que je voulais explorer les nouvelles relations entre les acteurs et les spectateurs.
Donc je voulais peut-être proposer d’abord de voir les vidéos. Et dans ma dernière création, il y a une distribution qui s’appelle The Ordinary Circus Girl. Donc je ne sais pas si on pouvait lancer d’abord et je vais vous parler un peu de ça après. Merci.
Vidéo Fheel Concepts : “Nous sommes des spécialistes en réalité virtuelle pour la compagnie du cirque.”
“Entrez candidats s’il vous plaît.”
“8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, terminé.”
“Placez-vous à côté d’une chaise et ne touchez pas au matériel s’il vous plaît.”
“Sentez-vous libres de vos mouvements.”
“Hey regarde, très bon. Ça tu vois c’est ton matos, c’est ton agréé, c’est avec ça que tu vas travailler. Alors allez, au boulot.”
“Nico, je ne vais pas y arriver, je ne le sens pas du tout, on annule.”
“Allez, bonne chance.”
David Abiker : Corinne, votre vidéo elle est tout à fait réussie, parce qu’on voit exactement quelle est la promesse de votre spectacle. Comme l’heure tourne, j’ai envie de vous demander : comment vous mobilisez les talents qui concourent à ce spectacle ?
Comment avez-vous fait pour assembler autour de vous des talents, des statuts, des métiers, des vocations si particulières, pour produire ce spectacle et faire ce qu’on a envie de faire, là ? Quand on voit la vidéo, on a envie d’y être.
Corinne Linder : Donc l’idée principale, avec spectacle, est bien sûr de donner au public sa place comme circassien. C’est-à-dire qu’on devient, en fait, acteur de notre propre expérience et par un spectacle immersif surtout, pour avoir des sensations physiques et être artiste aérien.
Donc le processus de création est fait de deux phases : une qui était de faire le film, écrire le film en réalité virtuelle, donc une vidéo 360.
Et deuxièmement c’est de faire un spectacle. C’est-à-dire qu’on a une création pour juste le spectacle, ce qui est plutôt mon métier, à la base.
Donc, dans la première phase pour faire le film, on a fait appel à beaucoup d’entreprises dans le cinéma ou dans le gaming.
Notamment, on a beaucoup travaillé avec une société qui s’appelle Novelab, qui est dirigée par Amaury La Burthe. Avec eux, on a beaucoup travaillé sur la partie son immersif, donc ambisonique, avec la post-production. Et aussi, on a eu une équipe d’artistes, 35 artistes intermittents qui ont travaillé pendant deux ans sur la recherche de ce spectacle qui a été filmé après.
Donc sur le tournage on était 35 intermittents. À peu près une dizaine de gens qui étaient auto-entrepreneurs, donc DOP qui a filmé, qui a fait des mouvements de caméra, et d’autres prestations dont on a eu besoin pour cette expérience.
Une fois que le film était fait, on s’est lancés une deuxième étape de travail où on a travaillé plus avec, on va dire, un endroit typique du cirque, c’est-à-dire vraiment dans la création. Donc beaucoup dans le spectacle, ainsi que parfois on a fait un peu d’allers-retours avec la post-production dans le gaming pour avoir plus de cohérence entre le monde réel et irréel dans le film.
Parce qu’on voit bien qu’il y a le moment où on essaie vraiment de ramener les gens, de perdre un peu leur réalité entre le réel et l’irréel, en utilisant le monde physique mélangé avec le virtuel.
C’est-à-dire parfois dans le film, tu es provoqué de se mettre sur un trapèze à la fin, sans toucher le sol, en même temps que tu portes un casque virtuel, où tu as dix mètres de hauteur, virtuellement.
Mais il faut que les gens, comme on est dans un petit espace – quatorze personnes en même temps -, que le film soit coupé d’une certaine manière que les gens ne se croisent pas.
Donc il y a beaucoup de travail main dans la main avec les parties techniques, post-production, ainsi que les intermittents du spectacle, par le jeu chorégraphique et l’acting. Donc c’est très complexe.
David Abiker : Est ce que vous m’entendez, Corinne ? Ces talents vous les avez assemblés et réunis en France ou en Finlande ?
Corinne Linder : Dans le cirque, on est partout. Donc en fait, logistiquement, c’était trop cher pour moi de pouvoir, par exemple, monter dans un autre pays, même si je trouvais des endroits qui étaient magnifiques.
David Abiker : Mais vous avez conçu… Le spectacle, vous l’avez conçu en France ?
Corinne Linder : Oui, mais on a plusieurs nationalités.
David Abiker : Ça a été facile ou c’est compliqué ? Quand vous dites “on a travaillé avec des auto-entrepreneurs, avec des intermittents, avec des boîtes de production, avec des prestataires informatiques”. Pour vous, vous jonglez avec tous ces statuts en tant que productrice et directrice artistique facilement ou au contraire, c’est compliqué ?
Corinne Linder : J’ai beaucoup appris parce que personne n’avait fait ça avant, mais ce sera plus simple la prochaine fois.
Mais oui c’était compliqué, surtout comment tu parles d’un projet à la fois à un public numérique et à la fois un public spectacle. Ce n’est pas le même langage. Donc pour trouver un pont entre les deux, c’était super intéressant parce que c’est ça qu’on veut aussi. Je pense que cette mixité, cette curiosité des gens, que le monde XR ramène ensemble, était vraiment passionnante.
C’est un peu la même chose dans le cirque, où la différence devient une force. Plutôt que, comme par exemple, dans la danse classique où le meilleur gagne.
Donc c’était déjà super intéressant, mais ce n’est jamais facile. Mais c’est souvent ainsi.
Présentateur : David Abiker (Journaliste pour le KIF)
Intervenante : Corinne Linder (DA Fheel Concepts)