Patrick Thil : La ville s’est engagée sur les nouvelles technologies depuis fort longtemps, depuis 1971, 1972 à peu près. Et on voit bien qu’aujourd’hui, derrière le numérique qui était avant tout de la technique au départ, est venue, je dirais, l’économie, la science et puis l’art maintenant, et que c’est complètement assumé.
Alors si vous me demandez pourquoi on s’engage là-dedans, je dirais : “en raison d’un déficit d’image”. Je crois que le différentiel entre la beauté d’une ville et sa connaissance internationale, mais même nationale, fait qu’il faut que nous travaillions absolument là-dessus parce qu’on aime tellement notre ville qu’on voudrait qu’elle soit découverte par le monde entier, et je crois que ça marche.
Alexandre Michelin : Il y a un patrimoine exceptionnel à Metz ?
Patrick Thil : Alors c’est la liaison, effectivement, entre le patrimoine et ces nouvelles technologies, et c’est un moyen, pour certains qui ne connaissent pas ce patrimoine, de le connaître, attirés qu’ils sont par ces œuvres numériques, mais aussi peut-être au reste de la France.
Alors c’est assez paradoxal. D’abord, je dirais qu’on a, et dans l’ordre d’apparition, si vous me le permettez, un patrimoine italo-franco-allemand.
Italien, parce que la ville a connu, je dirais, sa liberté de république messine, puisque c’est ce que nous étions dans cet empire romain-germanique, mais jamais de langue germanique, jamais, sauf quand on nous l’a imposée, évidemment, mais à des époques beaucoup plus récentes.
Et puis français, un peu plus français qu’ailleurs, c’est à dire que c’est le classicisme qui domine, et bien sûr pas le baroque qu’on connaît dans toute l’Europe.
Et ce classicisme est encore plus classique, si vous me permettez cette expression, renforcé par l’esprit militaire qui a été celui de la ville à partir de 1552, son rattachement au royaume de France.
Et puis, enfin, le patrimoine germanique qui a été imposé, je dirais, surtout par Guillaume II lors de cette annexion à partir de la perte de l’Alsace Moselle, qu’on appelait l’Alsace-Lorraine à partir de 1870.
Et nous avons un tel patrimoine intéressant, sur ce plan du germanique, que pendant longtemps on n’osait pas le regarder. Mon grand-père, quand je passais devant la gare, me disait : “ne me regarde pas, c’est moche parce que c’est Boche”, et je ne parle pas de la marque, bien entendu.
Et aujourd’hui, cette gare parfaitement germanique est, par le vote populaire des internautes, depuis trois fois la plus belle gare de France. Sacré revanche !
Alexandre Michelin : C’est vrai que, quand on arrive à Metz, à la gare, on est surpris par cette architecture qui n’a rien à voir avec celle à laquelle on est habitués en France et qui est, en même temps, forte parce qu’elle est au cœur, avec toute une architecture, aussi, qui est héritée aussi de l’empire allemand.
Et puis quand on va de l’autre côté on arrive sur le Centre Pompidou. Il y a les deux faces. Cette modernité, et tout ce nouveau quartier qui pointe vers le Centre Georges-Pompidou.
Patrick Thil : Ce Centre Pompidou dans lequel nous sommes.
Donc voilà, ce patrimoine est riche, mais il n’est pas connu. En plus, on est une des villes les plus vertes de France, et engagée dans l’écologie urbaine, si j’ose dire, dès les années 70, ce qui était à l’époque, je dirais, pas du tout un parti politique, encore moins, mais qui était une science.
Et on a inventé ici, par Jean-Marie Pelt et Roger Klaine, ce qu’on appelle l’écologie urbaine. C’est-à-dire une autre conception qui tournait le dos à ce que faisaient toutes les villes de France, y compris Metz, qui était cette rénovation urbaine qui a suivi l’après-guerre et qui consistait à détruire des quartiers souvent historiques au profit de la nouvelle architecture.
Alexandre Michelin : Donc c’est une ville créative et durable, c’est une ville qui fait dans la créativité, notamment en numérique, et puis qui respecte l’environnement en même temps et qui le met en valeur.
Jérémie, toi qui, justement, est architecte de formation, mais qui aujourd’hui est aussi plasticien, comment est-ce que tu as découvert la ville de Metz ?
Jérémie Bellot : Alors, par ma proximité géographique – j’étais résident pendant quasiment dix ans à Strasbourg -, et j’ai été invité par le festival, il y a quelques années, à présenter plusieurs œuvres, dont une collaboration avec le Musée de la Cour d’or sur un projet qui s’appelait “Bestiaire céleste”.
Alexandre Michelin : Ah oui, donc déjà avec un musée.
Jérémie Bellot : …avec des coupoles par un dispositif multi-projections et l’inauguration de la rénovation du musée de la Cour d’or, qui est un lieu magnifique.
Et une très belle rencontre aussi, avec avec monsieur Brunella, avec qui on a travaillé, qui est venu sur ce plateau et qui est un grand partenaire du projet Constellation qui, du coup, accueille une œuvre cette année de László Bordos sur la cour arrière, sur la cour du grenier de Chèvremont. Donc c’est quelqu’un qui, aussi, fait évoluer l’architecture de son musée.
Alexandre Michelin : Il est venu nous le raconter hier, avec l’ambition sur la biodiversité. C’est pour ça aussi qu’on voit qu’il y a beaucoup de cohérence, finalement, dans cet acte à la fois moderne et en même temps qui respecte l’héritage de la ville.
On va peut-être regarder le film sur Constellations. On a un petit film qui a été fait, j’imagine, par vous, qui permet de vivre, en tout cas de ressentir ce qui se passe quand on déambule et qu’on voit ce côté spectaculaire.
Le film.
Présentateur : Alexandre Michelin
Intervenants :
Patrick Thil (adjoint au maire de Metz en charge de la culture)
Jérémie Bellot (artiste plasticien, curateur du festival Constellations)