Gaston Marcotti : Ce qui s’est passé, c’est que dans la restauration numérique on est confrontés directement à la matière film, à l’archive. Et là, on voit aussi toutes les étapes des effets spéciaux.
Les restaurer, ça veut dire redonner une visibilité à un film – il y a quelque chose de très très noble, à mon avis, dans cette partie-là -, mais surtout, on voit aussi l’histoire des VFX.
Et dans cette histoire-là, vous commencez à juste titre par Méliès, qu’est ce qui se passait ?
Ben lui, il prenait tout son savoir d’homme de théâtre, de music hall et de magicien, avec tous ses trucs et astuces, et en plus de ça il a amené le film, la caméra, ce qui lui a donné en plus la possibilité d’arrêter le temps, de reprendre des prises.
Je ne peux pas vous citer tout Méliès, mais “l’homme orchestre”, “l’homme à la tête de chou” et compagnie, c’est des merveilles. Et tout ça, c’est énormément d’ingéniosité.
Qu’est-ce qui se passait ? Il faisait un décor en arrière-plan. Il faisait un décor en dur. Mais il a commencé aussi à peindre directement.
Et puis d’autres ont amélioré cette technique qui s’appelle le matte painting.
Le matte painting, c’est justement cette partie où on vient peindre sur une plaque de verre, devant la caméra. Et ça, ça devient notre décor. On peut le voir dans Ben-Hur, et énormément de films.
Donc là, on commence déjà avec l’idée de “dans l’arrière, on doit construire un décor qu’on ne peut pas construire dans la réalité”, faute de moyens et ainsi de suite, donc on vient le peindre. Et, en partie, on viendra construire une partie de décors en réel.
Puis arrivent aussi d’autres techniques. C’est-à-dire, on va re-projeter le décor. On se rappelle, par exemple, de “La mort aux trousses”.
Cette scène où Cary Grant saute, devant lui l’avion le poursuit. Évidemment, cette scène n’a pas été tournée en direct, elle a été post-produite, mais en temps réel !
C’est-à-dire qu’il y a une première prise de l’avion, dans le bon angle, qui passe. Et tout ça est remis dans un studio avec une projection. Et là, l’avion passe, Cary Grant réagit en temps réel. C’est ça qui est très important.
Donc toutes ces réactions donnent une émotion à ce film, voilà, c’est Hitchcock, le suspense, le roi du suspense. Et on continue et on continue.
Donc ça, c’est, on va dire, dans l’histoire du cinéma, il y a déjà ça qui est inscrit.
Aujourd’hui, pour aller vite – parce que l’idée, ce n’est pas de faire un cours sur ce qu’est la projection arrière -, vous êtes sur un plateau, en ce moment-même, avec un écran LED qui doit faire dans les 10m de large, 5m de haut, quelque chose comme ça et, derrière, on pourrait très bien mettre un décor – là, en ce moment, il y a un décor un peu futuriste -, et ça pourrait très bien être une extension de notre décor.
C’est le même principe, exactement le même principe. Sauf qu’aujourd’hui, on est arrivé à une maturité technologique à tous les niveaux.
C’est-à-dire qu’on a de l’écran LED là où, avant, on avait de la projection, de la projection avec beaucoup de problèmes : la pollution lumineuse, ainsi de suite. Par contre, en termes de définition, on est capable de faire des grandes choses. C’est moins coûteux qu’un écran LED, donc la projection n’est pas finie, à mon avis.
Mais on a aussi les caméras numériques aujourd’hui, qui sont x fois supérieures à l’argentique de l’époque et, surtout, on a le temps réel.
Ces logiciels temps réel… alors tout à l’heure j’écoutais un peu Marc Petit avec son logiciel Unreal, et il y en a d’autres : Unity, Notch, CryEngine… beaucoup de logiciels sont là et sont à venir.
Mais ça, c’est ce qui nous apporte, aujourd’hui, le temps réel en fait, la connexion avec tout ce qui va se passer, donc la 3D temps réel.
Et j’oublie un élément, c’est le tracking. Le tracking c’est repositionner la caméra en temps réel, dans la bonne perspective, pour que tout ce qui se passe se passe dans la perspective continue de la caméra.
Donc, à ce moment-là, l’exemple le plus connu à ce jour, c’est Mandalorian. Si on regarde, elle est extraordinaire, formidable, extrêmement grande, et compagnie – je ne sais pas si on arrivera à faire ça en France dans les six mois, mais il y a eu de belles tentatives en tout cas -, il y a beaucoup d’argent, c’est sûr.
Tout ça, ça participe de l’histoire du cinéma vieille de 100 ans. On s’inscrit dans cette histoire.
A mon sens, ce n’est pas une révolution, c’est une évolution. On est en permanence en train de recycler des idées qu’on avait abandonnées pour raisons techniques, économiques, qui aujourd’hui reviennent très fortes, comme cette idée d’écrans LED immersifs, parce que la technologie aujourd’hui est mûre.
Présentateur : Frédéric Josué (Président de 18M.io)
Intervenant : Gaston Marcotti (Fondateur de Bizaroïd)