Sébastien Genvo : Alors disons que moi je viens du cinéma à l’origine. J’étais game designer chez Ubisoft – qu’on a mentionné – pour travailler sur un jeu qui s’appelle XIII, qui est une adaptation de la bande dessinée franco-belge en jeu vidéo. Donc on voit déjà, là, les liens qui peuvent se faire entre différents médias.
Et c’est un peu ce qu’on peut considérer, que le jeu vidéo c’est comme un modèle, et ça a été un modèle pour les arts et médias du XXIᵉ siècle. Donc c’est vraiment ancré aujourd’hui dans toutes les technologies qui se développent.
Et ça, ça a été à la base de mes recherches puisqu’aujourd’hui je suis professeur des universités. J’ai fait la première thèse en France sur les jeux vidéo en considérant que, justement, les jeux vidéo allaient nous permettre de comprendre des logiques qui sont aujourd’hui globalisées en termes culturels, en termes artistiques, en termes socio-économiques.
Donc c’est vraiment considérer les jeux vidéo comme un modèle pour penser les nouvelles formes de narration, les nouvelles formes de sociabilité, et c’est au cœur de mes recherches. En ce moment, je travaille sur la façon dont les jeux vidéo permettent aussi de se mettre à la place d’autrui pour comprendre des problématiques de vie, des problématiques quotidiennes, à travers un concept de jeu expressif.
Alexandre Michelin : Oui, on a fait avec le KIF un partenariat formidable avec toutes ces générations qui ont l’habitude d’utiliser tous ces jeux. On a beaucoup réfléchi ensemble à la manière de faire vivre ces générations avec nous.
Donc toi qui est à la fois un ancien game designer et qui est aujourd’hui un prof, un docteur, comment est ce que tu vois cette transition ? Est-ce que pour eux, finalement, c’est tout à fait évident ? C’est simple ?
Sébastien Genvo : Alors il y a une anecdote que je donne souvent : quand j’ai commencé à enseigner au début des années 2000, je pouvais demander dans une salle, dans un amphi de fac, qui n’avait jamais joué aux jeux vidéo. Et puis j’avais un tiers – peut-être un peu moins – des étudiants, et surtout des étudiantes, qui levaient la main.
Aujourd’hui, si je posais cette question, ce serait un peu ridicule. C’est comme si je demandais qui n’a jamais vu un film dans sa vie.
Et donc, on voit bien qu’il y a eu vraiment une transformation des usages du numérique. Et la porte d’entrée de ces usages se fait aujourd’hui par le jeu. Et je pense vraiment que ça change le rapport que l’on a au numérique, puisque la perception que l’on en a immédiatement se fait par un prisme ludique.
Ce qui n’a pas toujours été le cas. L’informatique, à la base, c’était considéré comme un outil de travail, etc. Et aujourd’hui, la perception est complètement bouleversée. Et ça, ça a des incidences fortes aussi sur les formes de sociabilité qu’on a par le numérique, sur la façon dont on le considère, sur les perspectives que cela ouvre aussi pour les individus, pour leur culture, etc.
Puis pour le rôle aussi des acteurs qui ont une grosse responsabilité par rapport à ce que ça permet d’inculquer ou de transmettre comme valeurs, comme type d’émotions aux individus.
Présentateur : Alexandre Michelin
Intervenants :
- Clara Schmelck (philosophe, journaliste, prof à Sciences Po Strasbourg)
- Yacine Aït Kaci (auteur, président fondation Elyx)
- Sébastien Genvo (Professeur des universités de Lorraine, Metz, Nancy)
- Déborah Papiernik (SVP New Business Ubisoft)