Cédric Bonnin : Nous on est, je dis toujours, on est producteurs, finalement, pour tous les écrans. Et de documentaires pour tous les écrans.
C’est-à-dire que le matériau documentaire, c’est le réel, et du coup on part du réel pour raconter une histoire.
Parce qu’il ne faut pas oublier non plus, en réalité virtuelle, de raconter des histoires. Il ne faut pas juste faire du “wahou”, mais il faut donner du sens. Et le documentaire donne du sens, en général, à tout ça, et se base aussi… ça s’ancre dans le réel.
Et donc tout ce savoir-faire là, finalement, on peut le déployer sur beaucoup de médias différents.
Et effectivement, quand moi on me parle d’un projet, que je reçois un projet d’un auteur, d’un réalisateur, de quelqu’un que je connais, d’un coproducteur… une des premières questions que je me pose c’est, effectivement, “est-ce que c’est un projet pour la télévision ? Est-ce que c’est un projet qu’on peut faire en web série, pour le web, donc qu’on peut créer en épisodes ? Est-ce que c’est pour le cinéma, pour le grand écran ? Est-ce que c’est pour la réalité virtuelle ?”. Je vais en parler après, on commence même à explorer la réalité augmentée.
Et moi, ce qui m’intéresse dans mon métier c’est que, finalement, en explorant toutes ces manières de raconter le réel, on se remet en cause en permanence. Et du coup, les innovations qu’on va aller trouver dans la réalité virtuelle, dans la réalité augmentée, dans la web série, dans le docu-fiction, dans plein de choses, ça nous oblige, finalement, à repenser notre métier et à essayer de faire en sorte que les films qu’on fait sont meilleurs, les expériences immersives qu’on fait sont meilleures.
Après forcément, quand on fait un film, on essaye de plonger le spectateur le plus possible dans l’histoire qu’on raconte, dans cette histoire du réel. Et la réalité virtuelle, c’est un peu la possibilité d’aller encore plus loin là-dedans. Donc c’est ça qui, moi, m’a quand même intéressé.
Et c’est vrai que je me souviens, la première fois que, par exemple, je crois que c’était à Laval Virtual – donc c’est un salon de réalité virtuelle – j’ai testé, par exemple, le logiciel Quill, un logiciel de dessin en réalité virtuelle. On est avec un casque et la manette, et on commence à dessiner dans l’espace.
Et je suis sorti de cette expérience, j’avais l’impression que c’était la meilleure expérience que l’homme ait jamais inventée, même pas en termes de réalité virtuelle, mais d’expérience interactive.
Il y avait un niveau d’immersion dans le truc que je trouvais complètement dingue. Et je me disais “ça, ça peut servir à raconter des histoires du réel, ou à raconter des histoires qui se sont passées dans le passé, ou à emmener encore plus loin sur des problématiques”, que ce soit des problématiques environnementales – on a quand même une grosse ligne éditoriale assez forte sur l’environnement et tout ce qui est des problématiques écologiques, bon ben, si on est confronté de plus près encore à ça, ça peut être encore plus fort.
Je me souviens aussi d’une expérience que j’avais testée qui s’appelait… zut je perds le nom. Mais en fait c’était un film produit par les Américains sur un prisonnier qui était en isolement.
Et en fait ça s’appelait “After Solitary”, et ça avait gagné plusieurs prix dans des festivals, et je me souviens l’avoir vu. Et en fait, on était dans la cellule de confinement solitaire avec ce prisonnier, et il nous racontait sa vie.
Et je pense qu’en termes d’impact… vous pouvez mettre un film d’une heure, là ça durait dix minutes, vous sortez, vous êtes bouleversés comme vous n’avez jamais été bouleversé par un film.
Parce que, d’un seul coup, vous êtes à l’intérieur de la cellule, vous voyez l’espace dans lequel le mec est resté enfermé cinq ans tout seul à, tellement il n’en pouvait plus d’être tout seul et de tourner en rond, qu’il s’arrachait un par un les poils du corps et que, aujourd’hui, il ne peut vivre dans une pièce qui ne ressemble qu’à sa cellule parce que sinon, ça crée des…
Et en fait il vous raconte tout ça, et c’est une expérience complètement bouleversante, et c’est pourtant 100% documentaire. Puisqu’on a le gars qui est devant nous, qui nous le raconte à l’intérieur de sa cellule.
Et ça, je trouve que du coup, ce truc là d’impact, de la force de l’histoire qu’on peut raconter, le médium de la réalité virtuelle, il permet d’aller vraiment très loin.
Présentateur : Frédéric Josué (Président de 18M.io)
Intervenant : Cédric Bonnin (Producteur, co-gérant de Seppia Films)